Communication & Influence N° 15 - Décembre 2009

A LA UNE
Editorial
Compétitivité et stratégies d'influence

Dans cette période de sortie progressive de la crise, comment donner à nos entreprises le niveau de compétitivité requis ? Tel fut le thème, le 10 décembre dernier, de la journée nationale de lAcadémie de l'intelligence économique, au Pôle Léonard de Vinci à la Défense. On ne peut faire l'économie dun travail de réflexion et de refondation face à lobsolescence dun certain nombre de principes et de règles de gouvernance mis en place à la fin du XXe siècle. Le règne sans partage de la création de valeur pour lactionnaire, de la primauté du financier et de la recherche du profit à très court terme, se révèle inadapté face à la montée concurrentielle et aux changements des comportements. Il faut réapprendre les vertus des stratégies de long terme, prendre en compte de nouveaux paramètres, et redécouvrir limportance de lhumain. Dans notre monde multipolaire, où les menaces et les opportunités sont partout, il convient de faire preuve dinnovation, dadaptation, de courage, de curiosité, de capacité de réflexion et daction. Des kyrielles de nouveaux outils, des réseaux encore hier inconnus font leur apparition. Il nous faut les connaître, en mesurer la puissance et en apprendre lutilisation. Mais il serait erroné et périlleux de continuer à croire que la seule maîtrise de la technique permettra de remporter les défis présents et à venir. l'intelligence des situations repose dabord sur le facteur humain car elle se base sur un état desprit privilégiant louverture, lhumilité et la capacité de décision.

L'image, la crédibilité, la perception par les relais d'opinion deviennent essentiels pour L'entreprise. Elle doit comprendre que la communication classique sefface peu à peu au profit d'une approche plus émotionnelle et subtile reposant sur l'influence. Doù limportance de comprendre comment fonctionne cette nouvelle arme concurrentielle, quelle est sa logique, quelles en sont les règles d'emploi économique et politique. Dans lart militaire et dans les écoles de commerce, on enseignait traditionnellement quavec une bonne stratégie, correctement appliquée, on était sûr de gagner. Aujourdhui, une bonne stratégie est nécessaire mais pas suffisante, des expériences récentes ayant montré quon peut la faire échouer par une campagne d'influence sur mesure. L'influence est au coeur de cette révolution par l'intelligence économique qui est en train de bouleverser les modes de gouvernance et les stratégies entrepreneuriales. Dautres pays, parfois émergents, rudes concurrents sur la scène internationale, ont depuis longtemps intégré ce paramètre. Il est grand temps que la France découvre ces méthodes venues d'ailleurs et adaptées à nos spécificités culturelles par des pionniers en matière de communication d'influence comme Bruno Racouchot et son équipe de Comes Communication.

Alain Juillet,
Conseiller chez Orrick Rambaud Martel
Ancien Haut Responsable à l'intelligence Economique.

Focus
L'Académie de l'intelligence économique

"La compréhension des enjeux exige de toutes les parties prenantes de l'entreprise une démarche proactive et une vision prospective qui ne trouvent leur accomplissement que dans la mise en place et la coordination dun système d'intelligence économique, adapté au monde de l'entreprise" : telle est la mission que sest donnée lAcadémie de l'intelligence économique, fondée en 1993 par Robert Guillaumot et présidée par Bernard Esambert. Ce 15e numéro de Communication & Influence, consacré à la 4e Journée nationale d'Intelligence économique d'entreprise, examine la seule question des stratégies d'influence. D'autres thématiques ont été abordées comme "Approche et pratique de l'intelligence économique au niveau international", sous légide de Philippe Clerc, "Les nouvelles clés dun management gagnant", avec Jean-François Pépin, "Les nouveaux outils de l'intelligence économique : les réseaux sociaux", sous la direction dAlain Assouline, sans oublier la table ronde animée par Nicolas Arpagian et l'intervention d'Olivier Buquen, délégué interministériel à l'intelligence économique. Pour en savoir plus : www.academie-ie.org.


ENJEUX D'AUJOURDHUI ET DE DEMAIN
De la communication à l'influence

Des quatre ateliers qui se tenaient le jeudi 10 décembre dans le cadre de cette 4e Journée nationale d'Intelligence économique d'entreprise, celui présidé par Christian Coutenceau, consacré au thème "de la communication à l'influence" a, de par sa nature, particulièrement retenu notre attention.

Pour Denis Pingaud, spécialiste des sondages et fin connaisseur des mécanismes qui régissent l'opinion publique, un constat s'impose : la crise des grandes idéologies a conduit à la fragmentation des opinions et à la volatilité des comportements du consommateur comme de l'électeur. En outre, la défiance vis-à-vis des élites (politiques, économiques, expertes) accentue le repli des opinions sur des valeurs de sécurité, d'identité ou de proximité. Il en découle un vrai problème de compréhension des mouvements de fond au sein du corps social. Dans ce contexte, la démocratie d'opinion constitue une donnée centrale qu'il convient d'appréhender correctement. D'autant que les institutions comme les entreprises se trouvent de plus en plus en relation directe avec l'opinion, notamment en raison de l'effacement progressif des corps intermédiaires. Dès lors, la maîtrise de l'opinion - compréhension de ses mécanismes et capacité de les influencer - devient un souci majeur pour tous les décisionnaires.

On comprend mieux dès lors que la connaissance de l'opinion devienne de facto un enjeu central des jeux de pouvoir. Or, cette connaissance d'une opinion de plus en plus complexe suppose des instruments détudes de plus en plus sophistiqués. D'où un mix méthodologique dans le recueil des données. A cet égard, Denis Pingaud fait remarquer que le développement d'Internet et des nouvelles technologies afférentes permet de passer d'une logique de sondage à une logique dobservation des opinions. Gérer l'opinion de la manière la plus fine qui soit demeure indéniablement un objectif principal pour les décideurs, tant des sphères publiques que privées. Ainsi, la bonne compréhension de l'opinion permet de mettre en ½uvre, en amont, des politiques pertinentes d'influence envers les décisionnaires. De la sorte, on peut dire que la gestion de la décision et de ses répercussions sur l'opinion fait partie intégrante de toute stratégie d'influence.

Des entreprises sous haute surveillance

Dans la foulée de Denis Pingaud, le médiologue François-Bernard Huyghe sattache à montrer comment l'entreprise est désormais supposée prendre en compte une multitude de micro-pouvoirs et contre-pouvoirs. En effet, elle est tout dabord soumise au pouvoir de la norme, celle des autorités politiques qui définissent les obligations et les sanctions. Elle se trouve aussi sous la surveillance du pouvoir judiciaire et du pouvoir médiatique. On voit ainsi apparaître un "droit mou", résultant souvent d'une très forte pression morale émanant de personnes ou de groupes qui prétendent détenir la "vérité" et agir au nom du "bien". Cette montée des exigences engendre la soumission des entreprises à l'impératif de conformité.

Mise sous observation par de très nombreux acteurs (sources dexpertise, facteurs de pression, avocats de causes et de valeurs, consommateurs auto-organisés, etc.), l'entreprise voit son rôle de producteur de richesses glisser vers une posture de gestion des parties prenantes. On assiste donc à une inversion progressive de la charge de la preuve : l'entreprise se voit sommée de prouver l'innocuité de son activité. Elle est "responsable envers le futur" et à ce titre doit appliquer scrupuleusement le principe de précaution, et anticiper les possibles conséquences de ses actes. Elle ne peut déroger à cette obligation. En effet, elle se trouve sous la surveillance permanente de sentinelles et autres agoras qui la jaugent, la jugent et énoncent à son endroit des verdicts dont beaucoup peuvent atteindre profondément sa réputation, voire lui être fatals.

Se déroule alors une compétition pour l'attention et le suffrage permanent, qui rend ces micro-pouvoirs et contre-pouvoirs dautant plus omniprésents que la multiplicité des outils techniques et des vecteurs de communication s'est faite tous azimuts. Le "journalisme-citoyen" aboutit à une véritable explosion médiatique. De la sorte, l'entreprise - et plus largement l'économie en général - doit répondre à lexigence du "bien commun". Il lui appartient donc de fixer soigneusement le cadrage de sa stratégie de communication en tenant compte de la crise des valeurs quelle observe autour d'elle. Sa réputation et son image se trouvent dès lors étroitement conditionnées par le respect des "valeurs" ambiantes qu'elle affiche et auxquelles elle est supposée se soumettre.

Réseaux sociaux et blogosphère

Spécialiste de la blogosphère, Nicolas Vanbremeersch confirme l'analyse de François-Bernard Huyghe. Il la complète en apportant aux entreprises des pistes à creuser afin de répondre à ces nouveaux défis. Pragmatique, il montre concrètement comment l'entreprise peut agir avec intelligence pour reprendre l'initiative dans sa sphère d'activité. Les réseaux sociaux et la blogosphère ne sont pas des terrae incognitae que l'on doit ignorer. Bien au contraire. En en connaissant les arcanes, l'entreprise peut - et même doit - les intégrer dans sa stratégie d'influence sur le web.

Nicolas Vanbremeersch développe ainsi cinq idées majeures pour optimiser l'influence en ligne. Tout dabord, il convient de bien comprendre le cadre auquel on se trouve confronté, d'en saisir les règles avant d'agir. Il faut définir le territoire concerné, analyser les usages, saisir les logiques sociales à l½uvre. "Vos publics ne sont pas où vous croyez" explique-t-il. Renchérissant sur François-Bernard Huyghe, il prend en compte non seulement les media traditionnels et locaux, mais aussi les groupes contestataires, les blogs et autres media alternatifs. S'y ajoutent analystes et experts, qui jouent sur la raison (ou prétendue telle), et les émetteurs d'opinions qui jouent sur le registre du coeur. Viennent ensuite des kyrielles de "passeurs" de toutes sortes, agissant dans un mouvement brownien entre des sphères diverses, parfois proches, parfois éloignées, pouvant être apparemment complètement déconnectées du pôle principal d'activité de l'entreprise.

Seconde idée : les blogueurs influents nexistent pas. Nicolas Vanbremeersch s'attaque ainsi à une croyance largement répandue selon laquelle quelques ténors feraient la pluie et le beau temps sur le web. Selon lui, il faut penser plutôt en termes de parties prenantes à accompagner et à convaincre. Il sagit là de travailler sur une logique de longue traîne, cest-à-dire en diffusant des messages susceptibles de toucher des publics différents, pas nécessairement tout à fait bien identifiés, et néanmoins sensibles à la pertinence du positionnement affiché de l'entreprise.

De la même manière - troisième idée - l'intervenant considère que parler à tort et à travers du buzz est carrément stupide ! En effet, la circulation de l'opinion est plus complexe quil ny paraît. Il faut en revenir à des actions bordées, avec des arguments structurés, permettant de générer de l'attention sur le sujet en direction duquel on souhaite focaliser l'attention. D'où une injonction qui constitue les deux dernières idées de son développement. D'une part, il faut participer. C'est mieux. Car le web social valorise ceux qui donnent. Et concrètement, l'autorité se crée par la contribution. D'autre part, il convient d'éviter les prétendues solutions simplistes. Au contraire, l'abondance et le fond valent mieux que la simplicité.

Communication & Influence...

A partir de ces constats, Bruno Racouchot propose aux organisations, publiques ou privées, une méthode concrète pour mettre en oeuvre des stratégies de communication d'influence. Pour être porteuse, une communication d'influence doit s'imposer comme une communication différenciante. Elle implique donc que les décideurs aient le courage de développer un discours récurrent, de qualité, dépourvu de toute langue de bois, sortant des chemins battus et des modes. Une identité clairement affirmée et revendiquée est la pierre angulaire des stratégies d'influence. Ensuite, il ne sagit pas de s'adresser à la Terre entière, mais plus modestement, pour toute organisation concernée, de s'adresser à quatre cibles principales : les relais d'opinion et d'influence (journalistes, experts, analystes, universitaires...) ; les décideurs publics et privés (élus, collectivités territoriales, fédérations professionnelles, etc.) ; les clients et prospects ; les salariés, partenaires et sous-traitants.

Orientée en direction de ces cibles qui font (ou défont) l'image, la notoriété et la réputation de l'organisation concernée, la communication d'influence va répondre à trois objectifs principaux : fidéliser les parties prenantes ; situer l'organisation dans une perspective stratégique ; lui permettre d'être perçue comme un interlocuteur proactif et responsable.

En trois phases successives d'application (repérage des traits d'identité à développer, activation des cellules de veille, mise en oeuvre de vecteurs récurrents privilégiant l'écrit), la méthode développée par Comes Communication répond à ces paramètres. Les retours sur investissements se trouvent dès lors identifiables à quatre niveaux : sur le plan communication, commercial, des ressources humaines et enfin sur le plan financier. L'explication méthodique des bénéfices que génère l'engagement d'une communication d'influence ciblée constitue indéniablement un atout majeur à faire valoir tant par les professionnels de la communication que par les praticiens de l'intelligence économique. Les faire se rencontrer et échanger sur ce thème pourrait constituer le thème central d'une prochaine journée de l'Académie d'intelligence économique...

LES INTERVENANTS

Outre Bruno Racouchot, directeur de Communication & Influence et co-fondateur de Comes Communication, l'atelier "De la communication à l'influence" rassemblait, autour de Christian Coutenceau :

Denis Pingaud : Vice-Président Exécutif de OpinionWay (www.opinion-way.com) depuis 2008, Denis Pingaud a travaillé auparavant dans les plus grandes sociétés de communication : délégué général adjoint de McCann Paris, directeur associé de BBDO Corporate, il a également été directeur de la communication de Médecins Sans Frontières, après avoir été chargé de mission au Cabinet du Premier ministre et journaliste au Matin de Paris. Il a récemment publié Leffet Besancenot (Seuil, 2008), Les taupes et les éléphants (Hachette, 2004), L'impossible défaite (Seuil, 2002), La longue marche de José Bové (Seuil, 2001), La gauche de la gauche (Seuil, 2000).

François-Bernard Huyghe : Docteur d'Etat en Sciences Politiques, habilité à diriger des recherches en sciences de l'information et de la communication, François-Bernard Huyghe (www.huyghe.fr) a enseigné tant au CELSA Paris-IV Sorbonne quà l'Ecole de Guerre Economique. Il intervient régulièrement à HEC, à lENA, au DRMCC, à lIRIS, pour lANVIE. Il a commencé sa carrière comme fonctionnaire international à lUNESCO et est un spécialiste du Patrimoine mondial. Parmi ses très nombreuses publications, on note Maîtres du faire croire (Vuibert, 2008), Comprendre le pouvoir stratégique des médias (Eyrolles, 2005), L'ennemi à l'ère numérique (PUF, 2001).

Nicolas Vanbremeersch : HEC, fondateur de Spintank (www.spintank.fr) en 2006, il a animé le blog versac.net, un pilier de la blogosphère francophone. Il a également créé le blog publius.fr, qui fut un pivot du débat en ligne lors du référendum sur la constitution européenne en 2005, et lancé la République des blogs. Il publie régulièrement des chroniques dans Les Echos, Débat & Co, et intervient dans des conférences, sur l'impact du web social ou l'internet politique. Il vient de publier Démocratie numérique (Seuil, 2009).


La méthode COMES : Communication d'influence, les conditions de la réussite

"Contrairement aux apparences, une communication d'influence ne peut se permettre d'être creuse, médiocre ou superficielle. Pour être crédible sur le long terme, il faut :

- d'une part, avoir du fond dans le discours proposé,

- d'autre part que celui-ci soit récurrent, cohérent, bien documenté et structuré.

On peut ainsi recenser sept conditions élémentaires pour réussir une communication d'influence. Elle exige de ceux qui la pilotent :

- davoir l'intelligence des situations, donc d'être l'esprit toujours en éveil,

- de cibler non la terre entière avec des mots creux, mais les parties prenantes et les relais d'opinion avec des messages ciblés,

- de sortir de lornière technique et du seul savoir-faire de lorganisation, pour au contraire explorer et préempter de nouveaux champs de communication,

- d'avoir la volonté de se différencier en affirmant sa propre identité et en refusant les discours convenus,

- de le faire avec détermination, rigueur, méthode, en privilégiant des écrits de qualité,

- d'oser penser sa communication en fonction des impératifs stratégiques, de manière synoptique, transverse, en tirant toujours le discours développé vers le haut,

- de faire preuve de courage afin de se projeter et de travailler sur le long terme.

En résumé, l'influence se pense à l'image dun arbre. Pour perdurer et sépanouir, toute organisation, publique ou privée, doit savoir s'ancrer dans le réel et affirmer son identité propre pour mieux se projeter dans l'avenir."

Bruno Racouchot
Directeur de Comes communication


VEILLE ET ANALYSES
Intelligence économique et communication d'influence sont aussi à la portée des PME !

"L'intelligence économique n'est pas réservée aux grandes entreprises. À l'instar de la communication d'influence, elle est à la portée de toutes les organisations, sans distinction de taille ou de secteur d'activité", estime Christian Coutenceau, qui animait le 10 décembre dernier l'atelier "De la communication à l'influence" à la 4e journée nationale d'intelligence économique d'entreprise. Président du groupe "Technologies avancées" de l'association des diplômés HEC, il a fondé un groupe de réflexion qui vient d'élaborer un Guide pratique d'intelligence économique récemment publié aux Éditions Eyrolles. Son objectif : permettre aux PME de s'approprier plus aisément les outils de l'intelligence économique dans une perspective stratégique.

Aujourdhui, toutes les entreprises doivent développer en permanence leurs capacités à s'adapter à leur environnement et à affronter la mondialisation. Cela ne concerne pas seulement les grands groupes mais aussi les PME. Pour survivre et se développer, les petites entreprises doivent aussi se mettre en posture de recherche et d'exploitation d'informations décisives en vue d'innover un peu tous les jours. C'est, en effet, la somme des petites innovations quotidiennes qui crée, à terme, de grands avantages concurrentiels.

Hisser les PME au niveau stratégique

Or, si les grandes entreprises se sont organisées de longue date pour recueillir et traiter l'information à des fins stratégiques, les PME éprouvent encore des difficultés à s'approprier pleinement la démarche. Lorsquelles pratiquent l'intelligence économique, il sagit le plus souvent d'actions de veille et de protection de l'information. Or, si cela est nécessaire, cela ne suffit pas. En effet, pour réellement tirer profit des informations qu'elle détient ou acquiert, l'entreprise doit intégrer leur traitement dans son système décisionnel. Cest ce constat qui a conduit un certain nombre de cadres dirigeants d'entreprise à élaborer ensemble une Méthode d'aide à la décision par l'intelligence économique (MADIE) au profit des PME. Lobjectif est donc de hisser la pratique de l'intelligence économique par les PME au niveau stratégique.

Identifier son centre de gravité

Le concept clé de la méthode est celui de centre de gravité. Il définit ce qui fait la force de l'entreprise. Identifier le centre de gravité de l'entreprise permet donc de connaître ses solidités, de définir dans quelles directions orienter la veille, mais également de savoir ce quil est utile de protéger en priorité. La nature de ce centre de gravité varie bien sûr d'une entreprise à l'autre. Ce peut être une logistique performante, un réseau de distribution, un homme clé dans l'organisation, le fournisseur dun composant, etc. Le centre de gravité est donc le plus souvent immatériel. C'est notamment le cas de la réputation ou de l'image de marque qui, dans certains secteurs, constituent le capital le plus précieux de l'entreprise. Mais cest également vrai des relations nouées avec les parties prenantes qu'il convient alors de consolider, notamment via des actions de communication adéquates.

Influer sur son environnement et cultiver son identité

Notre démarche va donc à l'encontre des conceptions purement sécuritaires de l'intelligence économique. S'il est capital de protéger ses informations stratégiques, il convient, en même temps, de s'intégrer sans complexe à son environnement et d'interagir avec lui au service de la stratégie définie. Cest la raison pour laquelle, les concepteurs de MADIE attachent la plus grande importance aux questions d'influence. Il est en effet indispensable pour l'entreprise de façonner la perception que les relais d'opinion et ses parties prenantes ont d'elle. En la matière, nous partageons la démarche de Comes, centrée sur la nécessité de cultiver son identité réelle. En matière d'intelligence économique comme de communication d'influence, rien ne peut être accompli si l'on nie ou ignore ce que l'on est. Pour élaborer une stratégie gagnante, il faut certes connaître son environnement, mais aussi se connaître soi-même.

Christian Coutenceau
Directeur du pôle consulting de Ricoh France

Extraits

"Une authentique communication d'influence doit s'appuyer sur l'identité réelle de l'entreprise et la valoriser. Or, trop souvent, c'est le contraire qui est fait. Ainsi, de plus en plus de sociétés s'affirment comme respectueuses de l'environnement et tentent de le démontrer à grand renfort de communication. Les Anglo-Saxons ont une expression pour qualifier ce phénomène : le green washing. Même si bon nombre d'entreprises mènent des actions de fond pour réduire leur empreinte environnementale, à l'exemple de Monoprix qui a choisi de positionner sa plate-forme logistique francilienne en bord de Seine pour pouvoir l'approvisionner par bateau plutôt que par camion, il paraît difficile de construire une identité sur ce concept, sauf s'il est inscrit dans les gènes de l'entreprise."

"L'innovation passe également par le décloisonnement des spécialités pour une meilleure circulation des connaissances. L'entreprise doit donc souvrir pour nourrir sa stratégie et développer une culture forte de son patrimoine immatériel. Comme le disait R.W. Emerson, 'nos meilleures idées viennent des autres'."

Guide pratique de l'intelligence économique, par Christian Coutenceau, Claude Valle, Edmond de Vigouroux dArvieu, et Muriel Poullain, Editions Eyrolles, 156 p., 25 €.

Christian Coutenceau est président du groupe Technologies avancées de l'association des diplômés HEC. Il a notamment occupé les fonctions de DSI, directeur de l'organisation et supply chain dans l'industrie du luxe (groupes Cartier et LVMH) et dirige maintenant le pôle consulting du groupe Ricoh France.



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